La fleur aux cristaux

- Ça ne va pas, je travaille depuis plusieurs années sur ces fleurs et elles ne sont toujours pas parfaites… Ça ne va pas… Ces fleurs me donnent bien les jolis petits cristaux blancs comme convenu à la place du pollen, mais pourquoi m'en donnent-elles si peu ? Pourquoi ? Devrais-je plus les arroser ? Ça ne va pas…
Dans ce petit village, un jardinier travaille depuis plusieurs années sur des fleurs qui donnent des cristaux. Il préfère avoir une seule fleur qui est remplie de ces beaux cristaux blancs plutôt que trente fleurs qui n'en auraient que peu. Le hasard a fait que c’est lui qui est en possession de cet étrange spécimen, mais son envie de perfection lui cause du tort, ainsi, au détriment de ses voisins, il arrose méticuleusement ces petites fleurs bien gourmandes. Plus elles sont irriguées abondamment, plus leur nombre de petits cristaux est élevé et donc plus le désir du jardinier d’obtenir la plus belle des fleurs s’accroît. Les cultivateurs qui produisent des légumes proches de ce jardinier trouvent les barrages qu’il fait pour détourner l’eau de la rivière désagréable, mais comme les cristaux sont vraiment très beaux, ils acceptent cette contrepartie à contrecœur. Dans sa recherche perpétuelle de la réalisation des fleurs les plus belles du monde, il prend la décision d’irriguer toujours plus son champ. Face à des résultats qu’il juge concluants, il ne se contente plus d’une rivière détournée, mais se tourne vers le fleuve. Le jardinier vient au village et dit :
- Ça ne va pas ! Ça ne va toujours pas ! Pourquoi mes fleurs ne sont-elles toujours pas les plus belles du monde ?
- Peut-être qu'en concentrant tes efforts à un seul endroit cela ira mieux ? Et tu pourrais aussi en profiter pour réduire la quantité d’eau que tu prends dans le fleuve, cela gêne mes cultures. Propose un cultivateur.
- Tu as sûrement raison ! Je vais arrêter de prendre l’eau de la rivière et du fleuve ! Annonce fièrement le jardinier.
- Sage décision !
- À la place, je vais fonder un barrage pour collecter l’eau de la mer !!!
- QUOI ?!?
Pour obtenir les fleurs les plus belles du monde, le jardinier, aidé de certains habitants qui espéraient que le jardinier ne se plaigne plus, construit alors un immense barrage redirigeant l’eau de la mer vers ses fleurs. Pour suivre les conseils de l’un de ses voisins, il offre toutes ses fleurs sauf la plus belle de toutes aux exploitations voisines qui l’ont aidé pour la fondation de son barrage. Ainsi, il concentre ses efforts sur une seule fleur.
Sa fleur est désormais irriguée de façon très importante et est constituée d’une très grande quantité de cristaux. Mais cela ne convient toujours pas à l’infatigable et insatisfait jardinier qui trouve les cristaux trop blancs et les préférerait multicolores pour les rendre encore plus magnifiques, mais quand il alla annoncer son désir…
- Ça ne va pas, ÇA NE VA PAS ! ÇA NE VA PAS !!! Pourquoi ma fleur n’a-t-elle toujours pas atteint la perfection ? POURQUOI ? Je veux avoir la plus belle fleur du monde !
Face à la colère du jardinier, personne n’osa rien dire, mais quand il fut parti, ils se rassemblèrent et dirent ceci :
- Il n’est vraiment jamais satisfait ! dit le premier.
- Oui, mais que faire ? Demande le deuxième.
- Lui expliquer ? Propose le troisième.
- Non, il ne l’acceptera pas !
- Détruisons son barrage !
- Oui, bonne idée, ainsi, il ne se plaindra plus, ou alors pour une bonne raison !
Et c’est ainsi que les habitants du village, gagnés par l’énervement, le besoin de vengeance, et la perte d’une partie du bien rare qu’est l’eau pour leurs exploitations, partirent pour détruire le barrage du jardinier. L’eau emporta alors la fleur la plus belle du monde qui n’aura jamais été considérée ainsi par le jardinier et les cristaux d’un blanc magnifique qui s’avéraient être du sel se mélangèrent à l’eau de la mer. Le jardinier, gagné par la colère, alla détruire les fleurs qu’il avait offertes aux habitants du village pour que plus personne ne puisse avoir ces fleurs. C’est ainsi que la mer devint salée et que les fleurs de sels disparurent à tout jamais.